1965-67, Brian Wilson ou un génie créateur précoce

1965, Brian compose énormément et dispose d’un temps de studio plus important qu’auparavant. Ne participant plus aux concerts du groupe depuis quelques années, le leader des Beach Boys tente d’explorer ses idées novatrices en studio. Tout cela, en essayant de rivaliser à lui tout seul face aux plus grands groupes de l’époque, dont notamment les Beatles. Ne cherchant pas les ovations du public mais l’avancée musicale qu’il régente avec quelques-uns de ses collègues (ou rivaux), le compositeur débute un nouveau projet qui deviendra mythique… Le compositeur travaille sur l’album “Pet Sounds” pendant plus d’un an. A noter qu’un autre album est publié à la fin de l’année 65, pendant l’élaboration de Pet Sounds : “Beach Boys’ Party !” est un album avec des reprises et de nouvelles compositions, recréant une ambiance festive avec des ajouts d’esclaffements et de bruits de fête. Le groupe est contraint de sortir un projet car le label Capitol l’exige pour la fin de l’année 1965. Bien différent des autres albums, “Beach Boys’ Party !” est très innovant et bien produit. Dès la finalisation de cet album, Brian revient vite sur la conception de son Pet Sounds. 1966, Pet Sounds sort et n’est guère accepté par les Américains ; encore moins par les fans surfeurs… Mais c’est au Royaume-Uni que ce disque prend une place de plus en plus importante, notamment grâce à de nombreuses ovations de stars de l’époque.

C’est un moment où la musique se réforme, ou du moins, de nouveaux genres se créent. “Pet Sounds” est une sorte de réponse au “Revolver” des fameux scarabées. Un son expérimental, plus complexe, mêlé à des harmonies à couper le souffle. La pop et le rock sont désormais savamment agrémentés d’instruments classiques : la « pop baroque » est réellement née.

Encouragé en 66 par le titre de « groupe de l’année » (détenu depuis 63 par les Fab Four), et par les critiques musicales élogieuses, Brian entreprend le plus gros projet de sa carrière à seulement 24 ans. Il le considère comme le plus grand chef-d’œuvre de la pop musique :

“SMILE”.

Brian semble plus que jamais prêt à assumer une nouvelle place de leader mondial, portant pratiquement seul son groupe.

Il réutilise des maquettes musicales déjà composées auparavant, la musique étant plus complexe que les albums précédant Pet Sounds ; le musicien compte toujours suivre désormais cette nouvelle lignée artistique. Il dispose de tous les moyens qu’il souhaite pour entreprendre ses compositions, cela est indispensable pour l’établissement de ses idées. Il est le producteur des Beach Boys depuis leur 3ème album, c’est d’ailleurs le premier groupe US à contrôler entièrement la direction de ses albums.

Remettons-nous dans le contexte : à cette époque, les styles majeurs soutenus par les plus grands groupes mondiaux sont le blues, le rock et la pop, des genres musicaux généralement accessibles avec peu d’instruments. Brian est alors esseulé et subit une pression due aux contrats et à son groupe qui souhaitent des albums à succès réguliers. Dans ce contexte difficile, il parvient à bâtir une symphonie rock inégalable, en décalage total avec la plupart des groupes contemporains. Au même moment où certains groupes tentaient de trouver un riff de guitare qui sonne plus ou moins bien, Brian entreprenait une œuvre pop/rock baroque monumentale, à lui tout seul.

Ce projet est avant-gardiste. Les techniques d’enregistrements mises en œuvre par Brian sont nouvelles. Comment le jeune Brian a-t-il pu concevoir un OVNI musical aussi pur à seulement 24 ans ? L’aspect de jeune prodige est souvent évoqué chez Brian mais minimisé sur le projet “SMILE”, qui selon moi, est pourtant encore plus concret que sur les précédents albums.

Pour l’anecdote, les Beatles n’ont pas hésité en venir embêter les « garçons de la plage » lors de sessions studios. On raconte que Paul McCartney a interprété une de ces nouvelles chansons au piano devant Brian, afin de le décourager de finir “SMILE”. Ce morceau étant “She’s leaving home”, qui paraîtra sur Sgt. Pepper peu après.

Le public et les historiens/musicologues ne semblent pas toujours se rendre compte de ce qu’est réellement “SMILE” : l’ont-ils déjà réellement écouté ? SMILE est un parfait mélange de rock, de pop, d’harmonies vocales complexes, d’instruments classiques, de bruitages… Ecrire cette œuvre conceptuelle, à cet âge, reflète un talent prodigieux et unique au monde.

Brian Wilson en studio

« SMILE », « Presents Smile »… ou les deux ?

Initialement, « SMILE » était prévu pour l’année 1967, mais l’album est finalement sorti (officiellement) en 2004 ; soit 37 ans plus tard, pour les raisons que nous connaissons, avec pour titre « Brian Wilson Presents SMILE », Le titre de « Brian Wilson Presents Smile », pour le différencier de « SMILE » de la version initiale, est compréhensible et logique. La version finale n’est évidemment pas celle qui serait sorti en 67, certes. Mais affirmer, comme certains, que celle de 67 aurait été mieux… me semble hasardeux.

Oui, le clavecin et les autres sons de claviers sont joués avec des synthétiseurs. Cela fait moins authentique. Oui, la voix de Brian s’est affaiblie. On peut comprendre que certains apprécient moins ce timbre de voix plus mature ; mais cela ne procure pas-t-il plus d’émotions ? La voix d’un homme qui parachève son œuvre et met un point d’orgue à toute cette histoire atypique !

De plus, pendant sa malheureuse traversée du désert, Brian a selon moi repensé chaque passage de “SMILE” afin de rendre l’œuvre unique. Peut-être qu’en 1967, ce projet était prématuré. Brian a abandonné, mais est-ce par manque de courage ou d’envie ? Nul ne le sait, à part Brian lui-même. On affirme souvent que la version du nouveau millénaire ne vaut pas celle qui aurait pu sortir initialement. Tout d’abord, il est question d’opposer une version « achevée » à de simples sessions, certes correctes pour la plupart, mais ce n’est tout de même pas équivalent. Personne ne pourra jamais réellement savoir ce qu’aurait été le “SMILE” de 67.

De surcroît, quand on connaît la fragilité mentale de Brian en 67, on comprend que ce titre « SMILE » n’est guère opportun à ce moment-là. Ce projet était prévu pour finir avec un sourire ! Toutes ces mauvaises vibrations ont disparu pour donner le SMILE achevé de 2004. Cette version-là est gai, l’objectif est atteint.

Et peut-être que “SMILE” est aussi unique à ce niveau-là ; ce projet se divise en deux : d’un côté les sessions et de l’autre les morceaux réenregistrés. N’opposons pas ces deux versions, rapprochons-les, les unes ne vont pas sans les autres.

En fait, “SMILE”, c’est les deux versions.

:)


Robin, étudiant en musique et son